In utero, deux individus. Un jour, l’un meurt et l’autre reste.
Complicité gémellaire en suspension, goût d’inachevé, le survivant ne porte-t-il pas les empreintes de celui qu’il a intimement côtoyé ?
Dans ce livre, Caroline Raievski met en lien une approche scientifique de la médecine prénatale, des éléments biographiques qui motivent sa démarche, les récits-témoignages d’une dizaine de « jumeaux survivants » en quête de sens et un référencement bibliographique complet.
En filigrane, le souci de la vérité.
En mettant en lumière le lien très fort d’une gémellité in utero et de ses incidences sur l’existence de celui qui reste, l’auteure nous convie à un voyage des plus singuliers en pariant sur une mémoire de vie prénatale qu’elle étaye de manière sensée et sensible.
Tiephaine –
Un recueil d’entretiens assemblés sous forme de témoignages sur le sujet des jumeaux disparus (Vanishing Twins en anglais).
Assez peu connu en France, le « Vanishing Twin Syndrome » (ou syndrome du jumeau disparu) est plutôt bien documenté outre-Atlantique et concernerait selon les statistiques 10 à 15% des grossesses.
Il s’agit des cas où à l’origine, deux foetus (ou plus) grandissent in utéro, mais où un seul naît vivant, le second disparaissant ou décédant au cours de la gestation. Dans de rares cas, les restes du jumeau décédé peuvent être absorbés par le survivant, et faire quelques années plus tard les gros titres des journaux à sensation (il y a encore quelques semaines, le cas d’une petite fille de 6 ans à qui l’on a retiré les restes de son frère jumeau, absorbés après son décès in utéro, a fait quelques remous dans la presse).
Etant moi-même un « jumeau survivant » (ou « jumeau solitaire », ou « jumeau esseulé », selon les auteurs), ce sujet m’intéresse évidemment énormément, et cet ouvrage, rédigé par une sociologue, me semblait être extrêmement intéressant à lire.
Pour être franc, je ne peux que regretter l’absence ou quasi-absence de recherches et conclusions, même prospectives, à l’intérieur de cet ouvrage, qui me laisse un goût d’inachevé. En effet, en dehors de la brève introduction, il n’y a guère de travail d’analyse opéré ici. Mais il faut aussi reconnaître qu’il s’agit, comme le sous-titre l’indique, d’un ouvrage de témoignages, et non une réelle étude sociologique présentant une thèse et un argumentaire.
Je ne commenterais pas les témoignages apportés par cet ouvrage, qui reflètent le ressenti des personnes qui s’y expriment avec sincérité et se livrent parfois très intimement. Tous ces vécus sont riches d’enseignements pour quiconque souhaite étudier le « syndrome du jumeau disparu », et permettent de tirer quelques schémas d’étude. En cela, le travail est solide, même s’il me semble inachevé.
En revanche, je suis extrêmement surpris par ce que ce livre révèle au delà de son sujet. Sur les dix témoignages de cet ouvrage, une bonne moitié ne repose que sur des convictions, des ressentis, mais non sur des preuves tangibles ou des témoignages de proches. Or, ces certitudes ont été « révélées » lors de « thérapies » régressives, d’expériences quasi mystiques (je n’ai pas d’autre mot pour le qualifier). Même si les convictions de ces gens sont réelles et fortes, je suis quelque peu troublé qu’une telle enquête mêle sans distinction les témoins qui disposent de réelles preuves de l’existence éphémère de leur jumeau/jumelle, et les témoins qui n’ont d’autre preuve que celles qu’ils ont « revécu » au cours de séances dont la validité scientifique est sujette à caution (et je pèse ici mes mots). L’auteur le signale d’ailleurs dans son avant propos, et fait le parallèle avec les témoignages d’abus sexuels subis par des enfants, retrouvés à l’âge adulte au cours d’hypnose régressive, et qui n’ont en fait existé que dans leur esprit et n’ont aucune réalité physique.
Il manque d’ailleurs à ce propos une forte nuance apportée par la psychologie, et notamment la psychologie Jungienne, qui peut éclairer sous un autre jour ce genre d’expériences « spirituelles » par le biais des notions d’archétypes, pour ne citer que celles-ci (et plus exactement, par celle de l’archétype du double/reflet/âme soeur).
En ce qui concerne les personnes disposant de preuves tangibles, je n’ai globalement guère retrouvé mon propre vécu, en dehors de quelques généralités. Surtout, la plupart des témoignages présentent cette perte comme un fardeau pesant et éprouvant, et ces personnes souffrent plus qu’elles ne semblent appréhender les implications autrement plus réjouissantes que leur mal-être implique s’il trouve son origine dans un tel décès: survivance de l’être après la mort physique, mémoire physique ne reposant pas uniquement sur le cerveau mais aussi sur le corps, et j’en passe. Ces témoignages ne semblent pas apporter de questionnement métaphysique, hormis un qui parle de « divin » sans vraiment que cela ait de rapport à mes yeux avec son vécu.
Ce travail manquant d’approfondissement théorique, il me fait penser à une sorte d’ouvrage-voyeur, où des gens se révèlent intimement mais sans qu’on explique les tenants ni les aboutissants. C’est vraiment le gros point noir de cet ouvrage. L’autre point noir est cet accent porté sur des techniques présentées comme thérapeutiques, et qui me font vraiment penser à des pratiques pseudo-scientifiques voire sectaires, et qui à mes yeux décrédibilise quelque peu le sujet en l’occultant.
Il n’en reste pas moins que ce bref ouvrage (il se lit en deux, trois heures pour un lecteur aguerri, probablement pas plus de trois soirées pour un lecteur occasionnel) est intéressant car il démontre l’existence d’un phénomène qui sans être courant n’est pas rare ni exceptionnel. Or, et c’est bien là que se situe le problème, les personnes qui le vivent (ou pensent le vivre) semblent toutes ou presque le vivre assez mal (les mots tels que dépression, colère, tristesse, deuil, thérapie, reviennent systématiquement), ce qui dénote un phénomène psychique réel qui mérite d’être étudié plus en profondeur.
C’est donc ainsi qu’il faut prendre cet ouvrage: un moyen d’intéresser la communauté des chercheurs et le grand public à un phénomène très peu étudié et connu en France. C’est à ce titre que je donne une note de 4/5 à cet ouvrage.
Tsukihime –
Intéressée depuis très jeune par le mystère de la gémellité, j’ai sauté sur l’occasion d’en découvrir plus et autrement grâce à une masse critique de Babelio. le livre a fini par arriver chez moi, tout fin, tout simple, très discret ; un véritable reflet du travail accompli par Caroline Raievski.
Chacun s’intéressera à ce livre pour différentes raisons, tout comme chacun est libre de croire ou non à ces histoires somme toutes « sans preuve » autre que le ressenti du témoin. On a droit en introduction à une petite touche médicale, avec des statistiques qui font bien avant de se lancer dans l’histoire même des autres.
Ce qui est certain, c’est que si les termes kinésiologie, sophrologie, ressenti, vous sont inconnus, il y a de fortes chances que ce livre vous rebute. Ces témoignages font partie d’un certain état d’esprit qu’on qualifierait d’alternatif. de fait, si vous n’acceptez pas tout ça, je ne pense pas que vous accepterez ce livre.
Plus qu’une étude, c’est un véritable recueil de 9 histoires différentes avec un seul point commun, la perte d’un jumeau et la douleur consciente ou inconsciente qu’elle a entraîné. Les témoins se sont prêté au jeu en toute confiance et avec beaucoup d’ouverture aux autres, permettant un certain transfert pour ceux qui chercheraient à avoir preuve de cette même perte chez eux. Chaque histoire apporte son lot, entre celui qui la toujours su, celle qui ne voulait pas y croire jusqu’à ce que, ou même celui qui en a eu la preuve physique. Un petit panel qui m’a touché pour ma part.
En fait, c’est un livre qui ne se lit pas vraiment, mais qui s’étudie avec une certaine distance, auquel on retournera surement pour chercher des réponses pour peu qu’on se pose la question.
KoGlo –
Intéressé par la question de la gémellité en étant concerné, cet ouvrage a mis en lumière un aspect qui m’était inconnu.
Si je devais qualifier ce livre en un seul mot, il serait « fascinant ». Fascinant par la minutie dont a fait preuve l’auteure pour mener à terme cette recherche, fascinant par la force qui se dégage des différents témoignages, mais aussi fascinant par ce qu’un travail sur soi-même (via des thérapies diverses) peut révéler de sa personne.
J’ai trouvé un peu longue, mais utile, l’introduction qui consiste à poser le cadre de la recherche en déterminant la procédure, mais aussi un peu de théorie.
Une fois les témoignages entamés, l’ouvrage prend une toute autre tournure captivante.
A lire donc pour des personnes intéressées par le sujet, mais également curieuses de découvrir un aspect bien précis.
juchat –
les témoignages sont de qualités et sensibles